Le long-métrage de Xavier Dolan, Oppenheimer, sorti en 2023 est un bon film de presque 3 h 00, reprenant les techniques de narration non-linéaire si caractéristiques du réalisateur et relatant la vie du père de la bombe atomique américaine : Robert Oppenheimer – Oppie comme on le surnomme.
Je ne parlerai pas du film, n’étant pas cinéphile, mais de mathématiciens. Car ils y sont, mais on ne les voit pas, sauf à savoir où tourner son regard.
Le seul qui apparaît n’a aucun rapport avec l’intrigue, il s’agit de Kurt Gödel – il se promène avec Albert Einstein et les deux hommes sont vieillissants. Au cours de cette scène, Einstein convient avec Oppenheimer que tous deux ne sont pas bons en mathématiques. La physique à ce niveau a en effet besoin de solide outils théoriques et bien des physiciens n’ont ni le temps, ni la formation ou les capacités pour forger les concepts nécessaires.
Commençons par Einstein, l’homme derrière la théorie de la relativité générale est Suisse et s’appelle Marcel Grossmann (1878-1936). Collègue d’étude d’Einstein, il signe avec lui le premier article historique : Entwurf einer verallgemeinerten Relativitätstheorie und einer Theorie der Gravitation.
Il initie donc le volubile Albert sur les géométries non-euclidiennes et sur les tenseurs. On pense donc à Riemann (1826-1866), mathématicien novateur et génial qui fonde l’une des axiomatiques utilisée par Einstein.
Mais Einstein est un personnage très secondaire du film et de cette partie de l’histoire.
L’autre physicien, secondaire, mais bien moins est Edward Teller. irascible et ombrageux, il s’oppose à Oppenheimer qui l’autorise à poursuivre ses recherches sur la bombe à fusion, laquelle a besoin d’une bombe à fission comme détonateur. Il parait qu’il est le modèle de savant fou du Docteur Folamour de Stanley Kubrick.
On voit aussi ce personnage dans le film peu connu : Les aventures d’un mathématicien, sorti en 2010, qui relate la vie de Stanislas Ulam (1909-1984), ami de John von Neumann qui le recrute pour le projet Manhattan où il collabore – difficilement – avec Edward Teller et lui fournit l’ossature théorique sans laquelle la bombe H n’est pas possible.
Ulam, Grosmann, Riemann, mais aussi von Neumann et Turing, sont les mathématiciens derrière l’énergie nucléaire et l’informatique. Qui les connaît, en dehors des mathématiques ? Certains sont plus connus que d’autres, je pense à Turing, mais Ulam et Grossmann ?
Récemment, j’ai pu constater que le rayon vulgarisation mathématique du Gibert du boulevard Saint-Michel avait sérieusement diminué en taille et était dorénavant relégué dans un coin, laissant la place à la médecine, la physique, la biologie et la naturopathie.