PierPolJak, le cœur en écharpe

Publié dans le n°55 du magazine Longueurs d'Onde

On le surnomma : Pierrot le fou, Peter Pan, Brada Peter, Pékah, Général Indigo, Cheper… autant de surnoms que de facettes. Bien plus que ses pseudonymes colorés, on retiendra surtout l’anonyme PierPolJak qui fit sa gloire.

PierPolJak

Il vient de sortir un disque, « Légendaire sérénade », alors il enchaîne les concerts et donne des interviews. Simple ? En apparence le processus action / promotion est bien huilé. Cruel paradoxe que de vouloir résumer un artiste à son œuvre, récente en général. En la matière, il est d’une transparence évidente : « Je n’ai aucun plan de carrière ; ce disque je l’ai fait à l’instinct, sans me poser de question. » et sa biographie plaide en ce sens.

Bassiste punk à ses débuts, il part vivre à Londres de l’air du temps et de l’énergie dévastatrice d’un mouvement en marche : les Clash, les Sex Pistols, Sham 69, le reggae que ses voisins de squat lui font découvrir. De retour en France, un petit passage à Fleury-Mérogis puis la mer l’emporte aux Antilles françaises, comme équipier sur un cargo marchand. Il apparaît dans le milieu underground du reggae tricolore sous différents noms, mais c’est en 1995 que commence l’histoire à succès de PierPolJak. Barclay le remarque et signe son premier album, éponyme, enregistré chez lui dans la Nièvre. Il jouera sa musique aux Transmusicales de Rennes en 1997, jusqu’au single « J'sais pas jouer » tiré de « Kingston Karma », enregistré aux célèbres studios Tuff Gong avec les musiciens du cru. C’est une percée et l’espérance d’une reconnaissance hexagonale d’un genre qui aspire à devenir populaire. 2001, un disque de platine et un double disque d’or, mais les tournées incessantes, les excès… le succès ont raison de lui. Il tombe malade. Épuisé par les promos et le show business, Pierre-Matthieu Vilmet laisse PierPolJak de côté et reprend la mer pendant 4 ans.

En 2010, il est toujours très actif, mais moins présent en haut de l’affiche. Son onzième album est une singularité, délaissant le style qui fit son nom : « J'avais envie de changer de rythmes au propre comme au figuré. » Il ignore les avis éclairés, se jouant des conseils avisés : « On m’a dit que ça n’est pas un disque auquel on s’attend et que je vais décevoir mon public, en même temps si j’avais fait un album de reggae d’autres auraient dit : « Pff ! Toujours la même chose, il ne change rien… » Premier album sans Dean Fraser, le tonton jamaïcain qui l’accueillit sur son île, c’est un disque surprenant et déroutant qui pourrait décevoir les aficionados, mais à le voir jouer ces chansons en concerts, on ne constate aucune déception dans le public !

À ce moment-là, l’entretien quitta la route des interviews convenues. « Ma vie est un cauchemar » avoue-t-il, ses yeux profondément bleus fixés sur un horizon lointain… Bribes d’explication : « Pour ce disque je me suis attaché à re-travailler les paroles, à préciser ce que je voulais dire, à être plus universel. Mais les histoires d’amours qui finissent mal… on est des millions ; ce que j’ai vécu, les conneries que j’ai faites… on est des millions ! » répète-t-il comme un mantra. La drogue ? « Je suis clean depuis trois ans » Le succès ? « Tu as des amis à ce moment-là. Mais quand il n’y a plus rien à manger sur la table… » La mort ? « J'y pense au moins un jour sur deux. Ce qui me retient ? Mes enfants, ma mère. » Le public ? « Sur scène j’oublie tout, je mets le chaos de ma vie entre parenthèses ; c’est agréable de se sentir aimé. En même temps je ne vis pas avec lui…» Cette politesse lucide dont il témoigne est celle du désespoir, l’instinct de l’animal blessé, le cœur en écharpe. Aujourd’hui il fait face au réel, en prise directe avec lui. Repartir en mer ? « J'en meurs d’envie, mais j’ai revendu mon bateau. » Alors pas d’avenir ? « J'étais punk au départ. Et avec mon bassiste et mon guitariste on y pense souvent… Je n’ai pas dis mon dernier mot. »

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