Le nombre au bout

Dans le précédent article, nous avons donné une preuve rapide de cet étrange résultat : $$ 0,999\dots = 1 $$

Il est étonnant en ce qu'il bouscule notre intuition. S'il semble être faux, contraire au bon sens, c'est que l'idée que nous avons des nombres est incomplète. La question : "Qu'est-ce qu'un nombre ?" dépend d'une autre : "À quoi sert-il ?"

S'il s'agit de compter, alors les nombres seront entiers et cela sera bien suffisant. Mais s'il nous faut mesurer, alors nous parlerons de réels et notre définition intuitive de ces objets est très incomplète. Qu'on se rassure, la formalisation de cet ensemble et sa construction rigoureuse n'a eu lieu qu'au XIXe siècle avec les travaux de Dedekind et de Weierstrass. Nous aurons l'occasion d'en reparler.

Retenons pour commencer le point de vue de Weirstrass, le nombre est ce qui se trouve "au bout" des trois petits points. Ainsi, "au bout" de : $ 0,999\dots $ il y a $ 1 $. Car, un écriture presque correcte de ce nombre en base 10 est : $$ 0,99 \ldots=0\times 10^{0}+9\times 10^{-1}+9\times 10^{-2}+\dots $$

Il nous reste ce foutus petits points, dont nous commençons à saisir qu'ils masquent l'essentiel à nos yeux. Nous devrions plutôt écrire : $$ 0\times 10^{0}+9\times 10^{-1}+9\times 10^{-2}+\dots$$ $$= 0,99\dots$$ $$=9\sum_{n=1}^{+\infty}(\frac{1}{10})^{n} $$

L'infini apparaît alors. Mais qu'est-ce que l'infini ? Comment se manipule-t-il ? Depuis les premières formalisations de la pratique mathématique, c'est-à-dire depuis Les Éléments d'Euclide, l'infini est une pierre d'achoppement, un écueil à éviter.

La partie des mathématiques qui aujourd'hui s'occupe de ces questions s'appelle "l'analyse". Elle est l'héritière des travaux de Newton et de Leibniz, de Descartes et d'Euler, de Cauchy... Le calcul précédent devient, en ses termes : $$ 9\sum_{n=1}^{+\infty}(\frac{1}{10})^{n}=\lim_{{ n}\rightarrow+\infty}(1-(\frac{1}{10})^{n+1})=1 $$

Ce qui est beaucoup plus clair n'est-ce-pas ?